Je ne reste pas à Amritsar contrairement à mes prévisions. Golden Temple, c’est fait, ca se goupille tel que je quitte la ville le soir même, en direction de l’état de Jammu & Kashmir où je suis invité.
J’arrive à Jammu le lendemain matin et prends un bus dans l’après-midi pour Srinagar. 15h de trajet peu agréable. Le bus est blindé. Des gens sont assis par terre dans l’allée centrale. Le trajet a du être carrément horrible pour eux. Une bagarre éclate dans le bus entre un homme et une femme. Les 2 jeunes employés du bus interviennent et s’énervent contre le mec. Le bus s’arrête, ils descendent, le gars remonte, frappe la (sa ?) femme à coté de laquelle il est assis. Les esprits s’échauffent. Ça finit par se calmer. La femme pleure, puis se lamente pendant un temps qui semble interminable. Les 2 jeunes tentent de la faire taire en vain.
Dans la nuit, un homme assis dans l’allée dégueule. Je suis à chaque fois aux premières loges, c’est bien.
Farhana m’avait conseillé de faire le trajet de jour, pour profiter du paysage. Je découvre en effet un magnifique paysage au petit matin. La route sinueuse traverse une chaîne de montagne.
Arret petit-dej dans un village : vendeurs de tissus et de vetements traditionnels, magasins de souvenir et de produits locaux |
J’arrive enfin à Srinagar dans la matinée, sans avoir beaucoup dormi ces 2 dernières nuits. Mais je retrouve des températures plus supportables. Il fait bon en journée, voir chaud au soleil mais le mercure retombe le soir. C’est agréable. Je bénéficie d’un accueil mémorable, les gens. Les kashmiris sont très amicaux et très hospitaliers.
Un homme dans la vieille ville. Il n'y a pas d'age : enfants et adultes me proposent de les prendrent en photos |
J’ai rencontré Farhana à Jaipur avec son mari Viqas. Elle a une profonde passion pour la langue et la littérature française. Elle donne des cours de français à Jaipur. Elle est originaire de Srinagar, Viqas, lui, est de Jaipur.
Farhana et sa sœur Zia sont en pleine démarche de recherche de sponsor. Elles ont créé une société de formation, ILM Consultants (ilm signifiant connaissance en ourdou). Elles souhaitent proposer aux écoles des prestations à destination des élèves de 16-17 ans. Le but est d’améliorer l’employabilité des jeunes Kashmiris et leur "compétence de vie" (aussi bien dans la vie professionnelle et dans la vie privée). Via 3 modules : orientation professionnelle, communication (perfectionnement notamment de l’anglais et travail sur la neutralisation de l’accent régional) et développement personnel. Ces 2 derniers modules reposent sur les techniques NLP (Neuro-linguistic programming ou psychotherapie neuro-linguistique). Je vous laisse creuser le sujet si vous êtes intéressés.
Farhana, a gauche, et Zia, sur la Ghelum river |
Je les accompagne dans leurs démarches. Le lendemain de mon arrivée nous allons entre autre a Radio Kashmir (radio publique) et Rising Kashmir, journal édité en anglais. Elles me présentent comme un prof de français. Farhana projettent également de proposer des cours de français, indépendamment des formations dans les écoles mais toujours au sein de leur société.
Elles travaillent en collaboration avec le département de l’éducation du Cachemire mais ne bénéficie pas d’aide financière de leur part. On multiplie les RDV : banques, entreprise de ciment, agence de com’...
J'expérimente la conduite “no rule”. La circulation est en général un peu anarchique en Inde, mais on me dit qu’au Cachemire, c’est pire. C’est vraiment le far west.
Riziere, la ou habite Farhana, a 10 km du centre de Srinagar |
Leur frère, Waqas, a entrepris des activités touristiques (création d’un restaurant, tour de quad) à Dhoodhpalthri, dans un site récemment développé par le gouvernement. L’endroit, dans la montagne, est magnifique.
Les locaux voient maintenant débarquer des touristes et leur proposent des tours à cheval.
Mohi, l'aînée, est pharmacienne à l'hôpital et vient de terminer un genre de thèse sur la solubilité d’un médicament.
La vieille ville de Srinagar est remarquable. Ruelles étroites, vieux bâtiments, superbes monuments tels que Jamia Masjid.
Jamia Masjid |
C'est dimanche, les rues sont calmes : jour du criket |
Avec les récentes élections et l’arrivée au pouvoir du parti BJP et de son leader Narendra Modi, la question du Cachemire est ravivée. L’état dispose d’un statut particulier, régi par un article spécifique de la constitution indienne (artic
le 370). L’insurrection, débutée en 1988, est quasi terminée. Aujourd’hui, l’action se joue sur le plan politique. Les Kashmiris, gouvernés depuis plus de 600 ans par des peuples étrangers (moghols, afghans, anglais, indiens etc.) réclament majoritairement leur droit a l’auto-détermination. Au niveau indo-pakistanais, la question semble toujours aussi difficile a résoudre, mais les 2 pays se sont engagés à trouver une solution pacifiquement. L’invitation du premier ministre pakistanais par Modi pour son inauguration est un réel signe d’ouverture.
L’armée est omniprésente. Partout des militaires, des barbelés autour des bâtiments publics, des tours, des barrages avec snipers. Les Kashmiris s’y sont habitué, pas le choix de toute façon. Mais cette occupation enchante d’autant moins que la police militaire a tous les pouvoirs et bénéficie d’une quasi totale immunité. Un article dans le journal me confirme les propos de Waqas. Plus de 16 000 personnes ont été détenu arbitrairement depuis 1988 ( 95% issus du Cachemire). L’accès aux avocats, aux soins médicaux et aux visites des familles est dénié. La police exploite le Public Safety Act à leur profit, en pratiquant la détention préventive. Intimidation, harcèlement et mépris des droits politiques et civiques de ceux qui critiquent le gouvernement. Voir torture. Le risque de torture dans les postes de police, dans le but d’obtenir des informations ou des confessions, est important, selon de nombreuses organisations internationales des droits de l’homme (dont l’incontournable Amnesty International) L’histoire est la même : humiliation et punition.
Le gouvernement semble vouloir agir, du moins sur un sujet particulier: laisser les jeunes suspects de quelconques méfaits se faire soigner a l'hôpital. Un docteur a été récemment incarcéré (pendant 2 jours de mémoire) et blâmé pour avoir dénoncer les agissements de la police. Ils entrent sans aucune protection dans les services de soins intensifs pour embarquer les patients et les mettre sous verrous.
Autre sujet, sur le plan social. Il semble y avoir comme une crise sociale et morale dans la vallée du Kashmir (mais quel pays n’est pas touché ? Le Bouthan peut-être ?). Gros problème de drogue chez les jeunes. Harcèlement et abus sexuel sur les femmes, tant dans les sphères privées que dans la sphère institutionnelle.
Au niveau privé, le Cachemire n’est pas seul touché. Toute l’Inde est concernée. Il y a dans le pays un viol toutes les 22 minutes (au moins peut-on supposer, tous les viols n'étant pas déclarés. Je parlais notamment des violences conjugales dans mon précédents post). Vous avez peut-être vu la pétition d’Avaaz lancée dernièrement. Sinon, cliquez ici pour en prendre connaissance.
Sur le plan institutionnel, plusieurs cas récents temoignent d’une baisse des valeurs morale, sous couvert du gouvernement. Certains parlent de “sexploitation institutionnalisé”.
Un des piliers du programme de Modi est la lutte contre la corruption. Zéro tolérance. Toute la société indienne est gangrené par la corruption, à tous les niveaux. Le nouveau gouvernement a du pain sur la planche. On ne peut que lui souhaiter de réussir sa mission.
Nishat Bagh (Nishat Garden), pres de Dal Lake construit par les Moghol au XVIIe siecle |
Farhana me dit qu’il y a beaucoup de problèmes familiaux. Beaucoup de divorces. Les femmes n’ont plus confiance dans le mariage. C’est pourquoi elles sont devenues très indépendantes et font le nécessaire pour subvenir à leurs besoins, au cas où. Elles souhaitent également, depuis un certain temps et d’une manière générale, plus de liberté. C’est du moins vrai en ville, le système traditionnel étant plus marqué en zone rurale.
Une chose me marque dès mon arrivée à Srinagar : la propreté. Pas (ou très très peu) de décharges publiques en pleine ville, de tas de détritus dans les rue avec l’infection qui s’ensuit. Les rues disposent de poubelles. Je tombe même sur l’inauguration de la nouvelle flotte de camions et voitures poubelle. Un gros effort est fait par le gouvernement du Cachemire pour préserver l’environnement. Je n’ai vu ça nul par ailleurs en Inde, hormis à Beas.
Dal Lake, Srinagar |
Dal Lake, Srinagar |
Srinagar est parfois surnommee "Venise of the East" ou "The Kashmiri Venice". Dal Lake et les jardins Moghols sont les 2 principales attractions touristiques de la ville |