Le trajet


Friday, June 6, 2014

L'Inde, part 5 :Delhi, Haryana et Pundjab

De Saharia Farm, je trace direct dans une autre ferme, à Sirsa, dans l'état d’Haryana, près de la frontière avec le Pundjab, après un bref crochet par Delhi. Par erreur en fait, mais je tombe sur un festival en l’honneur d’Hanuman. Partout des stands ont poussé ou des gens préparent à manger. Déjeuner gratos ! Merci Hanuman.




Red Fort, Delhi

Harpal Singh et son fils Jaspal cultivent du blé (environ 100t ), du riz (200 t) et de la canne à sucre selon le système traditionnel indien, c'est-à-dire en biodynamie  (Rudolf Steiner ayant, selon Harpal, repris les idées scientifiques et philosophiques de l’Inde).


Troisième expérience wwoofing en Inde. 3 expériences différentes. Harpal m’annonce la couleur des le depart en me demamdant : “What do you want to learn ?” Il représente véritablement l’essence du wwoofing, a savoir l'échange. Tu viens pour apprendre, vivre le quotidien, aider et partager tes connaissances et ton experience. Plus, Harpal et sa femme Surinda souhaitent voir dans le volontaire un fils, une fille.



D'abord les consommateurs legitimes
Ils ont aussi une douzaine de vaches, dont 5 en lactation. J’apprends a traire. Surinda ne sait plus quoi faire du lait. Plus personne ne vient l’acheter. En 2 ans, le prix du lait a considérablement chuté. Les quantités ne sont pas énorme, 30-40 litres par jour. Mais ça fait beaucoup pour une consommation familiale. Faut s’en occuper de ce lait, matin et soir. Elle est donc très intéressée a ce que je lui apprenne a faire du fromage. Je fais quelques essais mais sans présure, c’est pas facile. Ils sont strictement lacto-vegetariens et refusent la présure animale.





Puis les parasites
Une grosse partie du lait passe dans la fabrication du beurre (transforme ensuite en ghee, base de toute la cuisine) et du lassi issu du barattage. Le lassi est en fait du yaourt liquide dilue par l’eau servant a faire sortir le beurre. C’est une boisson anti-fongique (donc, a priori, anti-cancereuse), ultra-saine me dit Harpal. J’en fait une cure. Du moins beaucoup plus saine que le lait dont les effets sur la santé sont plutôt négatifs, quoiqu’on en dise (théoriquement vrai pour tous les produits laitiers en fait, qu’on ne devrait pas consommer). Au bout de 24h, ou moins selon la température, la fermentation commence. Je retrouve alors l'équivalent du koumys d’asie centrale, sauf que c’est du lait de vache.


Elle fabrique également du paneer (ou cottage-cheese, coagulation acide a haute température), pour cuisiner ensuite. Mais ça ne se conserve pas, hormis au congélo, ça se consomme frais, difficile a vendre donc. Et du yaourt, et de la glace.


On fait alors du Khoa, ou Khoya. C’est du lait condense, sucre ou non. Rien a voir avec le lait concentré sucré de chez Nestlé. Mille fois meilleur. Surinda s’en sert pour faire des sucreries, des gâteaux (ça remplace les oeufs).

Surinda au Khoa et Rajani au chapati, ca rime. Rajani fait d'excellent chapati, elle est douee.
Surinda le dit elle-meme, elle ne fait pas mieux
Je finis par m’occuper beaucoup du lait, ça décharge un peu Surinda.
A cote, je fais principalement des travaux de jardinerie dans la ferme. Cuisine un peu, fait de la confiture de mulberry etc…

Recolte des mulberries
Et je me plonge dans l’Ayurveda, ou la “science de la vie”, et le Caraka Samhita, l’ouvrage fondateur du système ayurvedique, le livre de médecine le plus ancien du monde. Enfin je ne lit que l’introduction d’un ensemble de 6 gros volumes.


Rajani et son frère Balwent travaillent pour eux, contre leur gré (le gré d’Harpal et Surinda). Leur mère était leur servante. Mais suite au décès de son mari, elle est retournée dans le bihar d'où ils sont originaire, laissant ses 2 plus jeunes enfants. Elle avait dit qu’elle reviendrait au bout de 2 semaines. Au bout d’un mois et demi, elle n’est toujours pas revenue. Elle a besoin d’argent et a donc laissé Rajani et Balwent pour garder son salaire (et, visiblement, en avoir un 2e dans le Bihar). Balwent travaillait déjà pour d’autres familles du village. Mais Rajani est plus jeune. C’est un gros poids pour Surinda. Non seulement ça lui brise le coeur de faire travailler un enfant (elle ne lui demande que la confection des chapati et quelques taches ménagères), mais Rajani représente un vrai casse-tête. Elle est difficile a gérer, pour être simple, et est la cause de bien des soucis. Énorme dilemme pour Surinda. Si elle la renvoi chez leur mère, cette dernière les enverra bosser ailleurs. Et au moins, Surinda est sur que Rajani est bien nourrie. Elle me dit qu’elle a commence a prendre des joues.


IIls sont tous les 2 (surtout Balwent) assez impressionnants, compares au enfants du même âge dans les pays occidentaux. Ils ne vont bien sur pas a l'école (Rajani ne connaît pas Gandhi).


Question travaux de la ferme proprement dit, c’est la saison de la moisson du blé, puis le semis du riz (pour la première fois, grâce a un outil permettant donc d'éviter la transplantation).

Maitre Perraud dans son arbre perche
Tenais en ses mains son appareil photo...
(cueillette des mulberries)

Harpal dechargeant le ble
Ils font l’acquisition d’un nouveau tracteur, d’occasion. Il ne rentre pas comme ça dans l’enceinte de la ferme : une petite cérémonie, ou plutôt célébration, est improvisée. Surinda apporte des sucreries qu’elle a préparé dans la journée. Distribution. De l’huile est versée de chaque cote du portail. Petite “prière”. Le tracteur peut entrer.


Sirsa est un un centre de production agricole important et un gros marché. Harpal est le seul agriculteur en AB dans le coin. A la question : “Les autres producteurs ne sont-ils pas intéressés par ce mode de production ?”, il me répond : “Non, pas tant que je ne fais pas d’argent. Si je suis dans le green, alors oui, ils me suivront”. Les agriculteurs cherchent surtout à faire de l’argent.


La fabrication du sucre de canne se fait non loin de la ferme, dans une petite fabrique on ne peut plus traditionnelle. Harpal m'y emmène un soir, au retour d’un dîner chez le “roi du film pundjabi” (un ami à lui est directeur de film). Dégustation de jus de canne fraîchement pressé (sans citron ni menthe, contrairement au jus proposé dans les rues) et de sucre encore tout chaud. Ce sucre, ils le nomment sheker. D’la balle ! Mais ce n’est rien. A la ferme, on utilise du sheker de “2 ans d'âge”. Une tuerie. Avec du yaourt, un truc de fou ! Saupoudré sur un chapati enduit de ghee, un truc de malade ! Encore mieux avec des vieux chapatis : émiettés et légèrement humidifiés, mélangés dans du beurre et du sheker, puis roulés en boule. Un truc de dingue !

On part fin mai à Dera Beas, dans le Pundjab, pour assister a un satsang. Ils y vont tous les ans, quand le maître est là. Je pensais qu’on allait dans un centre spirituel dans la ville de Beas En fait, le centre spirituel, c’est la ville. Une ville fermée. C’est un énorme ashram. Harpal me dit que c’est le plus grand du monde dans le genre. Aucune pub, aucun prosélytisme n’est fait mais le lieu continue de s’agrandir. C’est nickel. Bitume en parfait état, trottoirs larges et clean, pelouse impeccable, présence de poubelles, tout est propre. J’ai changé de pays, je me crois en occident.


La propriété, détenue par l’organisation Radha Soami Satsang Beas (RSSB), s'étend sur quelque chose comme 50 km2, incluant des tenues maraîchères bio et une ferme laitière récemment acquise. Ils sont quasiment auto-suffisants. Et ce n’est pas rien a cette echelle. Je beneficie d’une visite de la tenue maraîchère principale et des bâtiments ou est stocké le blé, transforme en farine pour la fabrication de millions de chapatis. C’est un privilège, Harpal étant l'arrière petit-fils d’un des disciples du fondateur du lieu. Il a une maison, appartenant à l’organisation.


Il y a 2 silos de 20 000 tonnes chacun. On va manger au langar (free kitchen) le premier soir. 300 000 personnes peuvent être nourries en même temps. Oui, vous avez bien lu, 300 000 personnes (j’ai fait répéter Harpal plusieurs fois). Et ce, chose encore plus extraordinaire, 24h/24 ! Ils sont en mesure de nourrir 300 000 personnes toutes les 15 minutes ! Et c’est gratuit.
Il y a 160 fours (tendur) ; la présence de 20 femmes est nécessaire sur un seul four. Il y a 6 énormes hangars ouverts permettant d’abriter 50 000 personnes chacun, soit donc 300 000 personnes. C’est impressionnant. Je suis sur le cul.  Et ce n’est pas le seul lieux de restaurations : il y a également des snacks, cantines etc.. (payants). C’est le plus grand néanmoins. Tout est 100% végétarien.


Je vous offre cette fleur
Le lieu fonctionne grâce aux donations privées (aucune subvention publique), aux cotisations des membres comme Harpal, aux paiements des pellerins (guesthouse, hôtel). aux revenus issus des ventes (surplus des fruits et légumes produits et achetés ailleurs, vente de livres et divers produits. Et grâce aux nombreux bénévoles, adeptes du karma yoga.
Le centre a été crée en 1891 par Baba Jaimal Singh Ji Maharaj, disciple de Soami Shiv Dyal Ji, l’initiateur du mouvement. RSSB, présente dans plus de 100 pays, est une organisation de bienfaisance à but non lucratif. Elle est totalement indépendante de tout influence politique et commerciale.


Le centre est particulièrement fréquenté quand le maître est présent, ce qui n’est pas souvent. Il dispense des satsang partout en Inde et à l'étranger.
Le satsang dirige par le maître actuel, Babaji Gurinder Singh Ji Maharaj, se tient dans un immense hangar. Immense Je ne sais pas combien il y a de ventilo, ça dépasse presque l’entendement. Bon je ne veux pas non plus exagérer mais c’est grand.
Les satsangs portent toujours sur le même sujet : la méditation et l'accès à la paix, au bonheur et à la sérénité, c'est-à-dire, en un mot, à la divinité. La philosophie de Radha Soami Beas est basée sur l’enseignement des mystiques de toutes les religions. Radha Soami signifie “lord of the soul” et satsang décrit un groupe recherchant la vérité.


Le satsang auquel j’assiste s’ouvre sur une vidéo d’une quinzaine de minutes a propos des fillettes en Inde. Le slogan est : “Let’s give to our daughters the gift of life”. Pourquoi célébrons nous la naissance d’un garçon sous le son des tambours alors que nous pleurons la naissance d’une fille. C’est toujours un gros problème en Inde. Il y a dans ce pays un avortement de foetus de sexe féminin toutes les minutes, 20 millions avortements en 20 ans. 50% des femmes sont analphabètes, 50% des fillettes sont mariées avant l'âge de 18 ans. 40 ou 60% (je ne me souviens plus, disons 50%) des femmes sont abusées par leur mari. Le maître mot de la vidéo : “change !” Le poids de la tradition.


Le satsang est ensuite dispense en indi. Mais j’ai de toute façon déjà trop écrit. D’autant plus que je n’ai aucune photo pour illustrer, les appareils photos et mobiles étant interdits dans l’espace publique de l’ashram (pour la simple raison que c’est incompatible avec une réelle retraite spirituelle).


Voici la seule photo :

De droite a gauche : Jaspal, Harpal, Surinda, Hajapal et un touriste
Je ne rentre pas à la ferme avec eux. J’ai décidé de poursuivre ma route. Beas étant à une trentaine de km d’Amritsar, c’est une belle occasion de visiter le Golden Temple, la Mecque des Sikhs. Je rencontre Kalpana dans le bus. Elle est prof d’anglais. Elle et son mari vont visiter le temple et me propose de les accompagner. Allez hop, on y va.

The Golden Temple
Il y a ici aussi un langar. Ils souhaitent y manger, la nourriture offerte étant considérée comme sainte (parce qu’offerte). Là aussi, ils nourrissent du monde. C’est fou !


Ma derniere image d'Amritsar, avant de prendre le train

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