Le trajet


Sunday, June 15, 2014

L'Inde, part 6 : Le Kashmir

Je ne reste pas à Amritsar contrairement à mes prévisions. Golden Temple, c’est fait, ca se goupille tel que je quitte la ville le soir même, en direction de l’état de Jammu & Kashmir où je suis invité.

J’arrive à Jammu le lendemain matin et prends un bus dans l’après-midi pour Srinagar. 15h de trajet peu agréable. Le bus est blindé. Des gens sont assis par terre dans l’allée centrale. Le trajet a du être carrément horrible pour eux. Une bagarre éclate dans le bus entre un homme et une femme. Les 2 jeunes employés du bus interviennent et s’énervent contre le mec. Le bus s’arrête, ils descendent, le gars remonte, frappe la (sa ?) femme à coté de laquelle il est assis. Les esprits s’échauffent. Ça finit par se calmer. La femme pleure, puis se lamente pendant un temps qui semble interminable. Les 2 jeunes tentent de la faire taire en vain.

Dans la nuit, un homme assis dans l’allée dégueule. Je suis à chaque fois aux premières loges, c’est bien.
Farhana m’avait conseillé de faire le trajet de jour, pour profiter du paysage. Je découvre en effet un magnifique paysage au petit matin. La route sinueuse traverse une chaîne de montagne.

Arret petit-dej dans un village : vendeurs de tissus et de vetements traditionnels,
magasins de souvenir et de produits locaux

J’arrive enfin à Srinagar dans la matinée, sans avoir beaucoup dormi ces 2 dernières nuits. Mais je retrouve des températures plus supportables. Il fait bon en journée, voir chaud au soleil mais le mercure retombe le soir. C’est agréable. Je bénéficie d’un accueil mémorable, les gens. Les kashmiris sont très amicaux et très hospitaliers.

Un homme dans la vieille ville. Il n'y a pas d'age :
enfants et adultes me proposent de les prendrent en photos
J’ai rencontré Farhana à Jaipur avec son mari Viqas. Elle a une profonde passion pour la langue et la littérature française. Elle donne des cours de français à Jaipur. Elle est originaire de Srinagar, Viqas, lui, est de Jaipur.

Farhana et sa sœur Zia sont en pleine démarche de recherche de sponsor. Elles ont créé une société de formation, ILM Consultants (ilm signifiant connaissance en ourdou). Elles souhaitent proposer aux écoles des prestations à destination des élèves de 16-17 ans. Le but est d’améliorer l’employabilité des jeunes Kashmiris et leur "compétence de vie" (aussi bien dans la vie professionnelle et dans la vie privée). Via 3 modules : orientation professionnelle, communication (perfectionnement notamment de l’anglais et travail sur la neutralisation de l’accent régional) et développement personnel. Ces 2 derniers modules reposent sur les techniques NLP (Neuro-linguistic programming ou psychotherapie neuro-linguistique). Je vous laisse creuser le sujet si vous êtes intéressés.

Farhana, a gauche, et Zia, sur la Ghelum river
Je les accompagne dans leurs démarches. Le lendemain de mon arrivée nous allons entre autre a Radio Kashmir (radio publique) et Rising Kashmir, journal édité en anglais. Elles me présentent comme un prof de français. Farhana projettent également de proposer des cours de français, indépendamment des formations dans les écoles mais toujours au sein de leur société.


Elles travaillent en collaboration avec le département de l’éducation du Cachemire mais ne bénéficie pas d’aide financière de leur part. On multiplie les RDV : banques, entreprise de ciment, agence de com’...
J'expérimente la conduite “no rule”. La circulation est en général un peu anarchique en Inde, mais on me dit qu’au Cachemire, c’est pire. C’est vraiment le far west.

Riziere, la ou habite Farhana, a 10 km du centre de Srinagar
Leur frère, Waqas, a entrepris des activités touristiques (création d’un restaurant, tour de quad) à Dhoodhpalthri, dans un site récemment développé par le gouvernement. L’endroit, dans la montagne, est magnifique.
Les locaux voient maintenant débarquer des touristes et leur proposent des tours à cheval.








Mohi, l'aînée, est pharmacienne à l'hôpital et vient de terminer un genre de thèse sur la solubilité d’un médicament.

La vieille ville de Srinagar est remarquable. Ruelles étroites, vieux bâtiments, superbes monuments tels que Jamia Masjid.


Jamia Masjid


C'est dimanche, les rues sont calmes : jour du criket
Avec les récentes élections et l’arrivée au pouvoir du parti BJP et de son leader Narendra Modi, la question du Cachemire est ravivée. L’état dispose d’un statut particulier, régi par un article spécifique de la constitution indienne (artic
le 370). L’insurrection, débutée en 1988, est quasi terminée. Aujourd’hui, l’action se joue sur le plan politique. Les Kashmiris, gouvernés depuis plus de 600 ans par des peuples étrangers (moghols, afghans, anglais, indiens etc.) réclament majoritairement leur droit a l’auto-détermination. Au niveau indo-pakistanais, la question semble toujours aussi difficile a résoudre, mais les 2 pays se sont engagés à trouver une solution pacifiquement. L’invitation du premier ministre pakistanais par Modi pour son inauguration est un réel signe d’ouverture.


L’armée est omniprésente. Partout des militaires, des barbelés autour des bâtiments publics, des tours, des barrages avec snipers. Les Kashmiris s’y sont habitué, pas le choix de toute façon. Mais cette occupation enchante d’autant moins que la police militaire a tous les pouvoirs et bénéficie d’une quasi totale immunité. Un article dans le journal me confirme les propos de Waqas. Plus de 16 000 personnes ont été détenu arbitrairement depuis 1988 ( 95% issus du Cachemire). L’accès aux avocats, aux soins médicaux et aux visites des familles est dénié. La police exploite le Public Safety Act à leur profit, en pratiquant la détention préventive. Intimidation, harcèlement et mépris des droits politiques et civiques de ceux qui critiquent le gouvernement. Voir torture. Le risque de torture dans les postes de police, dans le but d’obtenir des informations ou des confessions, est important, selon de nombreuses organisations internationales des droits de l’homme (dont l’incontournable Amnesty International) L’histoire est la même : humiliation et punition.
Le gouvernement semble vouloir agir, du moins sur un sujet particulier: laisser les jeunes suspects de quelconques méfaits se faire soigner a l'hôpital. Un docteur a été récemment incarcéré (pendant 2 jours de mémoire) et blâmé pour avoir dénoncer les agissements de la police. Ils entrent sans aucune protection dans les services de soins intensifs pour embarquer les patients et les mettre sous verrous.

Autre sujet, sur le plan social. Il semble y avoir comme une crise sociale et morale dans la vallée du Kashmir (mais quel pays n’est pas touché ? Le Bouthan peut-être ?). Gros problème de drogue chez les jeunes. Harcèlement et abus sexuel sur les femmes, tant dans les sphères privées que dans la sphère institutionnelle.
Au niveau privé, le Cachemire n’est pas seul touché. Toute l’Inde est concernée. Il y a dans le pays un viol toutes les 22 minutes (au moins peut-on supposer, tous les viols n'étant pas déclarés. Je parlais notamment des violences conjugales dans mon précédents post). Vous avez peut-être vu la pétition d’Avaaz lancée dernièrement. Sinon, cliquez ici pour en prendre connaissance.
Sur le plan institutionnel, plusieurs cas récents temoignent d’une baisse des valeurs morale, sous couvert du gouvernement. Certains parlent de “sexploitation institutionnalisé”.

Un des piliers du programme de Modi est la lutte contre la corruption. Zéro tolérance. Toute la société indienne est gangrené par la corruption, à tous les niveaux. Le nouveau gouvernement a du pain sur la planche. On ne peut que lui souhaiter de réussir sa mission.


Nishat Bagh (Nishat Garden), pres de Dal Lake
construit par les Moghol au XVIIe siecle
Farhana me dit qu’il y a beaucoup de problèmes familiaux. Beaucoup de divorces. Les femmes n’ont plus confiance dans le mariage. C’est pourquoi elles sont devenues très indépendantes et font le nécessaire pour subvenir à leurs besoins, au cas où. Elles souhaitent également, depuis un certain temps et d’une manière générale, plus de liberté. C’est du moins vrai en ville, le système traditionnel étant plus marqué en zone rurale.
Une chose me marque dès mon arrivée à Srinagar : la propreté. Pas (ou très très peu) de décharges publiques en pleine ville, de tas de détritus dans les rue avec l’infection qui s’ensuit. Les rues disposent de poubelles. Je tombe même sur l’inauguration de la nouvelle flotte de camions et voitures poubelle. Un gros effort est fait par le gouvernement du Cachemire pour préserver l’environnement. Je n’ai vu ça nul par ailleurs en Inde, hormis à Beas.

Dal Lake, Srinagar

Dal Lake, Srinagar

Srinagar est parfois surnommee  "Venise of the East" ou "The Kashmiri Venice".
Dal Lake et les jardins Moghols sont les 2 principales attractions touristiques de la ville

Les choses progressent pour Zia et Farhana. Elles décrochent un direct d’une heure sur la chaîne publique du Kashmir. Et je finis… sur le plateau. Je ne fais qu’une courte intervention. Tout s'enchaînent naturellement, sans le moindre questionnement. Mais quand on coupe le lien avec tous les évènements passés, quand on prend conscience du présent déconnecté du passe, alors vient la pensée suivante : “Mais qu’est-ce que je fous la ?” En l'occurrence dans le studio de la chaîne gouvernementale de l'état du Kashmir, au beau milieu d’une émission sur l'excellence academique, l'éducation et le futur des jeunes kashmiris ! C’est délire ! Sympathique et intéressante expérience. C'était assurément un vrai plaisir de contribuer à leur projet et de leur apporter mon aide.

Friday, June 6, 2014

L'Inde, part 5 :Delhi, Haryana et Pundjab

De Saharia Farm, je trace direct dans une autre ferme, à Sirsa, dans l'état d’Haryana, près de la frontière avec le Pundjab, après un bref crochet par Delhi. Par erreur en fait, mais je tombe sur un festival en l’honneur d’Hanuman. Partout des stands ont poussé ou des gens préparent à manger. Déjeuner gratos ! Merci Hanuman.




Red Fort, Delhi

Harpal Singh et son fils Jaspal cultivent du blé (environ 100t ), du riz (200 t) et de la canne à sucre selon le système traditionnel indien, c'est-à-dire en biodynamie  (Rudolf Steiner ayant, selon Harpal, repris les idées scientifiques et philosophiques de l’Inde).


Troisième expérience wwoofing en Inde. 3 expériences différentes. Harpal m’annonce la couleur des le depart en me demamdant : “What do you want to learn ?” Il représente véritablement l’essence du wwoofing, a savoir l'échange. Tu viens pour apprendre, vivre le quotidien, aider et partager tes connaissances et ton experience. Plus, Harpal et sa femme Surinda souhaitent voir dans le volontaire un fils, une fille.



D'abord les consommateurs legitimes
Ils ont aussi une douzaine de vaches, dont 5 en lactation. J’apprends a traire. Surinda ne sait plus quoi faire du lait. Plus personne ne vient l’acheter. En 2 ans, le prix du lait a considérablement chuté. Les quantités ne sont pas énorme, 30-40 litres par jour. Mais ça fait beaucoup pour une consommation familiale. Faut s’en occuper de ce lait, matin et soir. Elle est donc très intéressée a ce que je lui apprenne a faire du fromage. Je fais quelques essais mais sans présure, c’est pas facile. Ils sont strictement lacto-vegetariens et refusent la présure animale.





Puis les parasites
Une grosse partie du lait passe dans la fabrication du beurre (transforme ensuite en ghee, base de toute la cuisine) et du lassi issu du barattage. Le lassi est en fait du yaourt liquide dilue par l’eau servant a faire sortir le beurre. C’est une boisson anti-fongique (donc, a priori, anti-cancereuse), ultra-saine me dit Harpal. J’en fait une cure. Du moins beaucoup plus saine que le lait dont les effets sur la santé sont plutôt négatifs, quoiqu’on en dise (théoriquement vrai pour tous les produits laitiers en fait, qu’on ne devrait pas consommer). Au bout de 24h, ou moins selon la température, la fermentation commence. Je retrouve alors l'équivalent du koumys d’asie centrale, sauf que c’est du lait de vache.


Elle fabrique également du paneer (ou cottage-cheese, coagulation acide a haute température), pour cuisiner ensuite. Mais ça ne se conserve pas, hormis au congélo, ça se consomme frais, difficile a vendre donc. Et du yaourt, et de la glace.


On fait alors du Khoa, ou Khoya. C’est du lait condense, sucre ou non. Rien a voir avec le lait concentré sucré de chez Nestlé. Mille fois meilleur. Surinda s’en sert pour faire des sucreries, des gâteaux (ça remplace les oeufs).

Surinda au Khoa et Rajani au chapati, ca rime. Rajani fait d'excellent chapati, elle est douee.
Surinda le dit elle-meme, elle ne fait pas mieux
Je finis par m’occuper beaucoup du lait, ça décharge un peu Surinda.
A cote, je fais principalement des travaux de jardinerie dans la ferme. Cuisine un peu, fait de la confiture de mulberry etc…

Recolte des mulberries
Et je me plonge dans l’Ayurveda, ou la “science de la vie”, et le Caraka Samhita, l’ouvrage fondateur du système ayurvedique, le livre de médecine le plus ancien du monde. Enfin je ne lit que l’introduction d’un ensemble de 6 gros volumes.


Rajani et son frère Balwent travaillent pour eux, contre leur gré (le gré d’Harpal et Surinda). Leur mère était leur servante. Mais suite au décès de son mari, elle est retournée dans le bihar d'où ils sont originaire, laissant ses 2 plus jeunes enfants. Elle avait dit qu’elle reviendrait au bout de 2 semaines. Au bout d’un mois et demi, elle n’est toujours pas revenue. Elle a besoin d’argent et a donc laissé Rajani et Balwent pour garder son salaire (et, visiblement, en avoir un 2e dans le Bihar). Balwent travaillait déjà pour d’autres familles du village. Mais Rajani est plus jeune. C’est un gros poids pour Surinda. Non seulement ça lui brise le coeur de faire travailler un enfant (elle ne lui demande que la confection des chapati et quelques taches ménagères), mais Rajani représente un vrai casse-tête. Elle est difficile a gérer, pour être simple, et est la cause de bien des soucis. Énorme dilemme pour Surinda. Si elle la renvoi chez leur mère, cette dernière les enverra bosser ailleurs. Et au moins, Surinda est sur que Rajani est bien nourrie. Elle me dit qu’elle a commence a prendre des joues.


IIls sont tous les 2 (surtout Balwent) assez impressionnants, compares au enfants du même âge dans les pays occidentaux. Ils ne vont bien sur pas a l'école (Rajani ne connaît pas Gandhi).


Question travaux de la ferme proprement dit, c’est la saison de la moisson du blé, puis le semis du riz (pour la première fois, grâce a un outil permettant donc d'éviter la transplantation).

Maitre Perraud dans son arbre perche
Tenais en ses mains son appareil photo...
(cueillette des mulberries)

Harpal dechargeant le ble
Ils font l’acquisition d’un nouveau tracteur, d’occasion. Il ne rentre pas comme ça dans l’enceinte de la ferme : une petite cérémonie, ou plutôt célébration, est improvisée. Surinda apporte des sucreries qu’elle a préparé dans la journée. Distribution. De l’huile est versée de chaque cote du portail. Petite “prière”. Le tracteur peut entrer.


Sirsa est un un centre de production agricole important et un gros marché. Harpal est le seul agriculteur en AB dans le coin. A la question : “Les autres producteurs ne sont-ils pas intéressés par ce mode de production ?”, il me répond : “Non, pas tant que je ne fais pas d’argent. Si je suis dans le green, alors oui, ils me suivront”. Les agriculteurs cherchent surtout à faire de l’argent.


La fabrication du sucre de canne se fait non loin de la ferme, dans une petite fabrique on ne peut plus traditionnelle. Harpal m'y emmène un soir, au retour d’un dîner chez le “roi du film pundjabi” (un ami à lui est directeur de film). Dégustation de jus de canne fraîchement pressé (sans citron ni menthe, contrairement au jus proposé dans les rues) et de sucre encore tout chaud. Ce sucre, ils le nomment sheker. D’la balle ! Mais ce n’est rien. A la ferme, on utilise du sheker de “2 ans d'âge”. Une tuerie. Avec du yaourt, un truc de fou ! Saupoudré sur un chapati enduit de ghee, un truc de malade ! Encore mieux avec des vieux chapatis : émiettés et légèrement humidifiés, mélangés dans du beurre et du sheker, puis roulés en boule. Un truc de dingue !

On part fin mai à Dera Beas, dans le Pundjab, pour assister a un satsang. Ils y vont tous les ans, quand le maître est là. Je pensais qu’on allait dans un centre spirituel dans la ville de Beas En fait, le centre spirituel, c’est la ville. Une ville fermée. C’est un énorme ashram. Harpal me dit que c’est le plus grand du monde dans le genre. Aucune pub, aucun prosélytisme n’est fait mais le lieu continue de s’agrandir. C’est nickel. Bitume en parfait état, trottoirs larges et clean, pelouse impeccable, présence de poubelles, tout est propre. J’ai changé de pays, je me crois en occident.


La propriété, détenue par l’organisation Radha Soami Satsang Beas (RSSB), s'étend sur quelque chose comme 50 km2, incluant des tenues maraîchères bio et une ferme laitière récemment acquise. Ils sont quasiment auto-suffisants. Et ce n’est pas rien a cette echelle. Je beneficie d’une visite de la tenue maraîchère principale et des bâtiments ou est stocké le blé, transforme en farine pour la fabrication de millions de chapatis. C’est un privilège, Harpal étant l'arrière petit-fils d’un des disciples du fondateur du lieu. Il a une maison, appartenant à l’organisation.


Il y a 2 silos de 20 000 tonnes chacun. On va manger au langar (free kitchen) le premier soir. 300 000 personnes peuvent être nourries en même temps. Oui, vous avez bien lu, 300 000 personnes (j’ai fait répéter Harpal plusieurs fois). Et ce, chose encore plus extraordinaire, 24h/24 ! Ils sont en mesure de nourrir 300 000 personnes toutes les 15 minutes ! Et c’est gratuit.
Il y a 160 fours (tendur) ; la présence de 20 femmes est nécessaire sur un seul four. Il y a 6 énormes hangars ouverts permettant d’abriter 50 000 personnes chacun, soit donc 300 000 personnes. C’est impressionnant. Je suis sur le cul.  Et ce n’est pas le seul lieux de restaurations : il y a également des snacks, cantines etc.. (payants). C’est le plus grand néanmoins. Tout est 100% végétarien.


Je vous offre cette fleur
Le lieu fonctionne grâce aux donations privées (aucune subvention publique), aux cotisations des membres comme Harpal, aux paiements des pellerins (guesthouse, hôtel). aux revenus issus des ventes (surplus des fruits et légumes produits et achetés ailleurs, vente de livres et divers produits. Et grâce aux nombreux bénévoles, adeptes du karma yoga.
Le centre a été crée en 1891 par Baba Jaimal Singh Ji Maharaj, disciple de Soami Shiv Dyal Ji, l’initiateur du mouvement. RSSB, présente dans plus de 100 pays, est une organisation de bienfaisance à but non lucratif. Elle est totalement indépendante de tout influence politique et commerciale.


Le centre est particulièrement fréquenté quand le maître est présent, ce qui n’est pas souvent. Il dispense des satsang partout en Inde et à l'étranger.
Le satsang dirige par le maître actuel, Babaji Gurinder Singh Ji Maharaj, se tient dans un immense hangar. Immense Je ne sais pas combien il y a de ventilo, ça dépasse presque l’entendement. Bon je ne veux pas non plus exagérer mais c’est grand.
Les satsangs portent toujours sur le même sujet : la méditation et l'accès à la paix, au bonheur et à la sérénité, c'est-à-dire, en un mot, à la divinité. La philosophie de Radha Soami Beas est basée sur l’enseignement des mystiques de toutes les religions. Radha Soami signifie “lord of the soul” et satsang décrit un groupe recherchant la vérité.


Le satsang auquel j’assiste s’ouvre sur une vidéo d’une quinzaine de minutes a propos des fillettes en Inde. Le slogan est : “Let’s give to our daughters the gift of life”. Pourquoi célébrons nous la naissance d’un garçon sous le son des tambours alors que nous pleurons la naissance d’une fille. C’est toujours un gros problème en Inde. Il y a dans ce pays un avortement de foetus de sexe féminin toutes les minutes, 20 millions avortements en 20 ans. 50% des femmes sont analphabètes, 50% des fillettes sont mariées avant l'âge de 18 ans. 40 ou 60% (je ne me souviens plus, disons 50%) des femmes sont abusées par leur mari. Le maître mot de la vidéo : “change !” Le poids de la tradition.


Le satsang est ensuite dispense en indi. Mais j’ai de toute façon déjà trop écrit. D’autant plus que je n’ai aucune photo pour illustrer, les appareils photos et mobiles étant interdits dans l’espace publique de l’ashram (pour la simple raison que c’est incompatible avec une réelle retraite spirituelle).


Voici la seule photo :

De droite a gauche : Jaspal, Harpal, Surinda, Hajapal et un touriste
Je ne rentre pas à la ferme avec eux. J’ai décidé de poursuivre ma route. Beas étant à une trentaine de km d’Amritsar, c’est une belle occasion de visiter le Golden Temple, la Mecque des Sikhs. Je rencontre Kalpana dans le bus. Elle est prof d’anglais. Elle et son mari vont visiter le temple et me propose de les accompagner. Allez hop, on y va.

The Golden Temple
Il y a ici aussi un langar. Ils souhaitent y manger, la nourriture offerte étant considérée comme sainte (parce qu’offerte). Là aussi, ils nourrissent du monde. C’est fou !


Ma derniere image d'Amritsar, avant de prendre le train

Monday, June 2, 2014

L'Inde, part 4 : Le Rajasthan


Après Bombay, direction le Rajasthan. Première étape : Udaipur,  cité des lacs et des jardins. Plus de 18h de train.
 Je visite dans la journée, je repars le soir même. La vieille ville d’Udaipur est chouette. A noter Jagdish Temple et le City Palace.

Escalier montant au Jagdish Temple

Le City Palace



 



















 Ajmer et Pushkar constituent ma deuxième étape rajasthanaise.
J’ai en tête de passer ma première journée à Ajmer, puis de visiter Puskar, à une vingtaine de km, le lendemain.

Prise le lendemain matin, de bonne heure.
Ajmer est notamment un haut lieu de pèlerinage musulman en Inde. En demandant mon chemin pour la Dargah (mosquée, mais je ne le savais pas, je me demandais ce que c'était cette attraction touristique), un homme me prend par la main, au sens propre du terme. Il va justement a la Dargah avec sa femme. Il m'entraîne dans le dédale des ruelles encombrées de gens, de rickshaws, de tuk-tuk, de bicyclettes, d'ânes, de vaches, boutiques de tissus, de bijoux, de biscuits, street-food, odeur, bruits, klaxon, embouteillage, tu attends que ça se décongestionne, cris, rire, sourire, grimace, agitation, tourbillon. Impossible de décrire, tout s'entrechoque.

Ce qui ont vécu cette expérience savent. Mais en fait, je vis un peu le même sorte de dépaysement qu’à Kashgar. Ajmer a quelque chose que je n’ai pas trouvé a Udaipur par exemple.
Je me laisse entraîner, dans le flow.




Entree principale de la Dargah
Dargah Khwaja Saheb est donc un lieu de pèlerinage important pour les musulmans indiens. C’est la que se trouve la tombe du saint soufi Ghaib Nawaz. La petite entrée de la mosquée est un bordel sans nom. Le couple entre sans moi, étant bloque par mon gros sac. L’homme m’y conduit ensuite, sa femme gardant mon sac.
En étant sans doute un peu caricatural, j’ai l’impression de voir l’islam a la sauce hindou.
Deux files. l’une masculine, l’autre féminine, se dirigent cote a cote vers le dôme ou se trouve la tombe. L’homme me place dans la file, toujours main dans la main. Il ne parle pas anglais, tout se fait en silence entre nous. Des offrandes (de fleurs principalement) ont jetés sur la tombe (des hommes le font a la place des fidèles. C’est tout petit et blindé. L’odeur de rose est intense. C’est la première fois que je vois de l’argent si ouvertement demande dans une mosquée. Comme dans les temple hindous.
On sort et replonge dans la foule des ruelles. On s'arrête boire un verre de “fruit beer” (soda). Le jeune vendeur parle un peu français avec un accent africain. Il a un business avec un ami en Afrique de l’Ouest. L’homme me reconduit devant la gare. Il me demande alors : “Pushkar?”. “Yes, tomorrow” (j’ai prévu d’y aller de bonne heure pour bien profiter, la matinée est déjà bien avancée). Il me dit que le bus vient ici. Ah d’accord, cool. Le bus arrive après une petite attente, il me fait monter. Finalement, je me laisse faire. Quand t’es si bien aiguillé ! Et c’est aussi bien.

Pushkar, une des plus vieilles villes d’Inde et une des plus sacrées pour les hindous, est certes très chouette mais, conséquence, très (trop) touristique. Je fais peut-être un blocage mais si je peux me permettre une comparaison, à Gokarna, le tourisme est comme dilué (dans celui du pèlerinage). Ici c’est trop. On perd une certaine authenticité. Question de mesure. Le village ne manque pourtant pas d'intérêt. Mais je fuis très vite la zone touristique entourant le Pushkar Sarovar (Holy Lake). On arrive rapidement dans les rues résidentielles plus calmes.

Rue touristique autour de Pushkar Lake

PushkarLake

On rase les murs

Heure de la sieste

Pushkar vu depuis le ... Temple

... Temple


Arrivé a 12h, à 18h j’ai fait le tour, j’en ai assez. Je retourne à Ajmer.

Le lendemain je prends le temps de me perdre dans les ruelles et de prendre des photos. Je tombe sur la porte principale de la Dargah. C’est encore plus encombre que la petite porte de la veille. La grande rue montant a la mosquée est LA rue touristique, bordée de magasins et peuplée de marchands ambulants. C’est aussi la rue des mendiants - estropiés, femmes et saddhus et vagabonds. J’ai le bonheur, et le malheur, de donner à un cul de jatte. Aussitôt des femmes et des saddhus rappliquent.

Lake Anasagar a Ajmer

Du coup, les cochons courent les rues a Ajmer...



 Adhai Din ka Jhonpra, vieille mosquee en ruine du XIIe siecle, construite en 2 jours et demi selon la tradition


Dans les ruines
Je quittes Ajmer pour Jaipur, ou j’ai prévu de rester a nouveau dans une ferme. Ma séquence tourisme est terminée. Je fais l’impasse sur beaucoup d’endroits incontournables pour un vrai bon tour au Rajasthan : manque d'énergie touristique.

La ferme ou je vais, Saharia Organic Farm, toujours grâce au wwoofing, est située a environ 25 km au nord de Jaipur. L’accueil est plutôt froid. Le propriétaire n’est pas là, il possède également une plantation de thé dans l’Assam, au nord-est de l’Inde. Le jeune manager ne semble pas savoir sourire. Le cuisinier non plus. 3 volontaires, après 10 jours passes a la ferme (le minimum, sinon tu paies les jours manquants !) partent le lendemain de mon arrivée. Je me retrouve seul. Je sens que je ne vais pas rester aussi longtemps que prévu… 2 français, Laetitia et Renaud, arrivent quelques jours plus tard, mais ne restent pas longtemps.

Combat de gecko. Ils restent un long moment sans bouger, puis se degagent
Mais l’endroit est agréable, calme, avec pleins de d’oiseaux. Les cases réservées aux volontaires sont chouettes : briques, boue, bois et toit de chaume. Les familles d’ouvriers nepalais, bien que ne parlant pas anglais, hormis une des jeunes femmes connaissant quelques mots, sont sympas. C’est agréable de travailler avec eux. Bupender, le manager, me témoigne d’un peu plus de sympathie, de même que Suresh le cuisinier. Mais ça reste vraiment le strict nécessaire (Bupender m’interroge sur mon travail, ma famille la veille de mon départ).


Avec les ouvriers nepalais


Amla
Ils cultivent du blé, de l’orge, des pois chiche, des citrons verts, des amla et divers légumes dans un petit potager. Les amla sont des petits fruits qui se mangent verts. C’est très acide, amer, astringent. Pas terrible en fait. Tu pourrais même te demander pourquoi tu en manges. Mais c’est bourré de vitamine C (un des fruits les plus riches). Et quand tu bois de l’eau juste après, un goût sucre apparaît, très agréable après cette décharge d'acidité et d’amertume.






Manisha, la femme du propriétaire, vient passer une petite semaine avec sa mère. C’est l’occasion d’apprendre un peu sur la ferme. Le gros de la production est destiné à la consommation de la ferme. Ce sont les fruits qui sont principalement vendus.
Au menu de la ferme : désherbage manuel, bêchage pour refaire les talus autour des amla trees, taillage de ces derniers et des citronniers, récolte manuel du blé, de l’orge et des pois chiche (secs), égrenage de ces derniers (verts) pour les repas.



Le bivouac me manque. Ce soir-la, c'est
banane flambee et tisane de feuilles de
citronnier
Finalement je reste 3 semaines. Il faut rester un peu pour vraiment apprécier ce lieu.
Il commence a faire chaud. Entre 11h et 16h on ne travaille pas. Je me rafraîchi dans la piscine, quand il y a de l’eau, c'est-à-dire quand il y a des guests (ils font aussi guesthouse). Les népalais bossent bien, mais c’est très violent. On prend beaucoup de longues pauses, à l’ombre. Celle que je préfère, c’est pendant la récolte des pois chiche . Ils rassemblent une brassée de plantes sèches et y foutent le feu. Une fois le feu presque consumé, ils l'éteignent, éparpillent les cendres et on attend que ça refroidisse un peu. On se rassemble alors atour des cendres pour picorer les pois chiches grilles. Un délice. Je m'imagine ailleurs, dans une autre époque, il y a 100 000 ans, ou dans la peau d’un autre mammifère. C’est marrant. Chouette moment. Simple moment.

On prend même parfois des pauses avant de s'arrêter, en fin de journée, histoire de finir la journée en douceur. C’est pas bon de s'arrêter brutalement...

Un évènement me “marque” : un soir, le chant des femmes des maisons voisines (il y a 4-5 maisons dans le “village”) est couvert par le boom boom de la techno indienne émanant de maisons plus lointaines. Télescopage de 2 cultures, de la tradition avec la modernité.

Et pour finir cet article, quelques photos de Jaipur :







Ma premiere image en arrivant depuis Ajmer